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Le « tueur de lions » chassait le yak sauvage en Himalaya

Voyages et Chasses dans l’Himalaya raconte les pérégrinations de Jules Gérard, « le tueur de lions », sur les contreforts de l’Himalaya au milieu du XIXème siècle. Ce livre est paru en 1862. Son auteur, un militaire, explorateur et chasseur français raconte la chasse à l’éléphant, au tigre… Dans ce chapitre, il cherche à tuer un yak sauvage. Il ne va guère y parvenir. Mais ses chroniques de chasse se changent en récit ethnographique lorsqu’il rencontre les « indigènes » comme il les appelle. Un texte aujourd’hui devenu incongru à plus d’un titre.

<< J’avais, en 1858, tué en différentes fois toutes les variétés ordinaires di gibier de l’Himalaya, et je désirais vivement employer une partie d’un congé de six mois que j’avais obtenu après les révoltes, à me procurer les espèces plus rares des animaux du Thibet, entre autres et plus spécialement le bunchowr ou yak sauvage et le nyan ou mouton sauvage.

Le major Alexandre Cuningham, du Génie-Bengale, parle du bunchowr dans les termes suivants, que nous empruntons à son Traité physique, statistique et historique sur Ladak et les pays environnants, publié par Allen et Cie, en 1854, p.197 : « Le yak sauvage, brong ou dong, habite, dit-on, les grandes prairies qu’arrosent dans leur cours supérieur la Sutly et le Sangpo. Les gens du pays croient généralement à l’existence de ces animaux, mais je n’ai jamais pu me procurer une seule de leurs cornes ni trouver quelqu’un qui ait vu réellement un de ces yaks sauvages en vie (…) »

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Je résolus donc d’aller chasser le yak sauvage dans les vallées couvertes de neige où la Sutledge prend sa source entre l’Himalaya et les Kailas ou la chaîne de Gangree. Pour exécuter ce plan, je gagnai, le 17 juin 1858, avec l’intention de pénétrer dans le Thibet, la vallée de Dhowlna, dans le canton de Gurhwal, laquelle se dirige vers le défilé de Niti et plusieurs autres passages plus dangereux à travers les neiges. J’avais auparavant traversé le défilé de Borenda, dans la vallée de Buspa, et visité Kanawur, en revenant par Rampoor et par la vallée de la Sutledge, au point où cette rivière se fraye une route à travers l’Himalaya.

Je pense que le récit de ce dernier voyage sera la meilleure description possible des plaisirs et périls que l’on trouve à voyager dans cette partie du monde, et qu’il pourra servir à indiquer les cantons les plus favorables pour chasser le gibier du Thibet.

On peut supposer que les vallées de neige commencent à la ville de Joshimuth, située au confluent du Vishnoo Gunga et de la Dhowlna. De là, en suivant la rive gauche de la Dhowlna, un sentier escarpé en de certains endroits nous amena par une marche d’environ dix milles à Tuppobun, et le lendemain nous nous arrêtâmes à une petite hôtellerie ou cabane, au toit bas, de douze pieds carrés, à Summunghenta. Cette hôtellerie est assez en avant dans les vallées de neige pour être dans une certaine mesure à l’abri des pluies périodiques qui, bien que tombées en abondance un peu plus loin vers le Sud, n’avaient pas traversé les montagnes plus hautes, ni grossi les ruisseaux jusqu’aux villages situés dans les neiges. Au plus fort de la saison des pluies, néanmoins, des nuages remontent dans toutes ces vallées jusqu’au pied des défilés, et la pluie tombe souvent, sinon d’une façon constante, sous la forme de nos brouillards d’Ecosse.

(…)

Comme la perte du temps rendait plus urgent mon départ, je m’adressai, pour en finir, à deux hommes de Bompa, nommés Dhun Sing et Buchoo, que je recommande tous deux comme des serviteurs actifs, habiles et pleins de bonne volonté. Ils me recrutèrent douze coolies avec neuf mulets et deux bœufs. Mon chuprassie Kunhaya et une homme des plaines, que j’avais amené avec moi, résolurent de m’accompagner, bien qu’avertis par le récalcitrant Surjoo, des tortures effroyables qu’ils auraient à souffrir du froid et de la raréfaction de l’atmosphère.

Après que tous les préliminaires aurent été arrangés, je me déterminai à laisser plusieurs paquets de mes bagages à Bompa sous la garde de deux domestiques. Le chef du village me promit de me procurer promptement toutes les provisions nécessaires e farine, etc., quand j’enverrais di Thibet mes mulets pour les rapporter. Je perdis encore un jour à cause de la célébration d’une fête importante à Gumsali, dans laquelle tout habitant ayant quelque prétention à la notabilité était tenu de s’enivrer, et pour laquelle avait été préparé en conséquence une large provision d’eau-de-vie extra-forte.

De tous les territoires de Niti, de Charko, de Bompa et de Malari, devaient y accourir les maitres de la création, et de devait être, en fait, un grand péché ce jours-là que d’avoir conservé sa raison après sept heures du soir. Je ne pouvais pas naturellement blesser les sentiments religieux des gens de ma suite, par des remontrances déplacées contre l’accomplissement d’une aussi sérieuse cérémonie. >>

Illustration © DR

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Adélie F.

Libraire, Adélie partage avec vous sa passion pour les livres. La littérature de montagne est un vaste domaine qu'elle essaie de vous faire partager. Entre les montagnards et autres alpinistes qui s'essaient à l'écriture et les grands écrivains qui s'essaient à la montagne, les lectures ne manquent pas ! Elle chronique également des films, expos... Pour la contacter directement : adelie@altitude.news !

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