Trouver Refuge

Quand hospitalité et solidarité l’emportent : Trouver Refuge de Stéphanie Besson

Briançon. Petite ville de montagne nichée aux confins des Hautes-Alpes, à quelques encablures de la frontière avec l’Italie. Les fortifications de Vauban, vestiges de l’époque où la France faisait face aux menaces du Duché de Savoie, n’ont plus lieu d’être. Dans une Europe qui prône la libre circulation, les frontières intérieures s’effacent. Pourtant aujourd’hui encore, l’étonnante militarisation (Police aux frontières, gendarmerie…) de la région pourrait laisser croire à de nouveaux dangers. C’est que cette sous-préfecture paisible se trouve sur le chemin de migrants. Venus d’Afrique ou du Moyen-Orient, ils franchissent la frontière dans des conditions souvent périlleuses. C’est le contexte de Trouver refuge, de Stéphanie Besson.

Secourir son prochain, une évidence de montagnard

Stéphanie Besson est une native de Briançon. Elle fait partie de celles et ceux qui ont choisi de s’engager personnellement. Avec l’Association qu’elle a contribué à créer, Tous Migrants, elle tend la main aux exilés qui arrivent jusqu’en France. Dans « Trouver refuge » publié début septembre aux Editions Glénat, elle raconte ces dernières années. Guidée par des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, mis à mal « quotidiennement devant mes yeux », elle a participé à ce qui lui semblait une évidence. « Depuis toujours, lorsque quelqu’un s’y trouve piégé [en montagne], on rebrousse chemin, on monte des caravanes, des patrouilles de recherche ». On ne laisse pas une personne en détresse dans un environnement aussi exigeant et hasardeux que la montagne.

« S’entraider au lieu de se barricader »

Mais Stéphanie Besson ne raconte pas sa propre histoire, ne met pas en scène sa générosité, elle raconte celle d’un territoire où des gens ont choisi d’ouvrir leur porte plutôt que de fermer les yeux. Elle relate les parcours de ces migrants qui ont fui la guerre, la misère, les pires atrocités dans leur pays, contraints et forcés. Et qui doivent se battre pour survivre, dans une Europe vantée pour son attachement aux droits de l’homme. Elle évoque aussi la pression policière inacceptable, l’inhumanité de certains décideurs, l’incompréhension, la xénophobie… Au travers des témoignages d’habitants solidaires de la région mais aussi de nombreux migrants, elle partage ce qu’elle a vu, ce qu’elle a touché du doigt. La matérialisation cruelle des politiques de migrations de l’Europe et la tentation d’un individualisme forcené qui n’accepte plus que son quotidien soit perturbé par un inconnu en détresse.  

Une République qui n’est pas à une contradiction près

En quelques années, ce sont quelques 10.000 migrants qui ont transité par Briançon, une goutte d’eau à l’échelle de la population de l’Europe mais presqu’autant que le nombre d’habitants de la petite sous-préfecture des Hautes-Alpes. Un vrai mouvement citoyen a permis à ces exilés de survivre et de faire valoir leurs droits. Des prérogatives qui pourraient, bien logiquement, incomber à un Etat. Qui s’y refuse pourtant. En décembre 2019, l’Association Tous Migrants a reçu la mention spéciale du prix des Droits de l’Homme. Décernée par… la République Française. Qui n’est manifestement pas à une contradiction près.

A la lecture de ces pages, le citoyen français attaché à un certain nombre de valeurs humanistes sera chahuté. Indigné par l’attitude de certains et la dureté des services de l’Etat. Réconforté par ces Briançonnais qui n’ont pas baissé les bras. En préface, Edwy Plenel résume ce sentiment : « Briançon a sauvé l’honneur, notre honneur de Français et d’Européens, face à la pire tragédie vécue par des migrants, exilés ou réfugiés, sur notre continent depuis la Seconde Guerre Mondiale ». Le récit de Stéphanie Besson est toujours d’actualité, les problèmes passés n’ont pas disparu. L’Association Tous Migrants fête ses 5 ans et reste, plus que jamais, indispensable. Surtout que la majorité municipale vient de changer et la commune, jadis soutien des initiatives de Tous Migrants, a amorcé un virage à 180 degrés.

Trouver refuge, histoires vécues par-delà les frontières, Stéphanie Besson, Editions Glénat, 19,95 Euros | Commander en ligne ou rendez-vous dans votre librairie !

Illustrations Trouver refuge © Glénat

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Adélie F.

Libraire, Adélie partage avec vous sa passion pour les livres. La littérature de montagne est un vaste domaine qu'elle essaie de vous faire partager. Entre les montagnards et autres alpinistes qui s'essaient à l'écriture et les grands écrivains qui s'essaient à la montagne, les lectures ne manquent pas ! Elle chronique également des films, expos... Pour la contacter directement : adelie@altitude.news !

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