Les Français ont été les premiers à gravir le Makalu, c’était il y a tout juste 70 ans ! Pourtant, si on retient l’aventure tricolore à l’Annapurna, l’Histoire occulte souvent cette expédition de 1955 au Makalu ! Mais pourquoi ?
L’histoire de la conquête himalayenne française se résume trop souvent à l’exploit de Lachenal et Herzog à l’Annapurna. Mais cela revient à occulter une autre première retentissante. En mai 1955, deux alpinistes français réussissent la première ascension du Makalu, à la frontière entre le Népal et le Tibet (Chine). Cinquième sommet du monde avec ses 8.485m.
Après une expédition de reconnaissance menée à l’automne précédent, les Français reviennent au printemps sous la direction de Jean Franco. L’entreprise est de grande envergure. Plus de 300 porteurs acheminent près de 11 tonnes de matériel, d’équipements et de vivres jusqu’au camp de base. Il est établi le 4 avril sur le glacier du Barun. Les camps d’altitude sont installés progressivement, jusqu’au Camp V, situé à 7 400 mètres, atteint le 9 mai.
C’est alors que commencent les « assauts » vers le sommet. Le 15 mai, Lionel Terray et Jean Couzy atteignent le point culminant. Les deux jours suivants, sept autres membres de l’expédition s’y succèdent. C’est une première historique : jamais encore l’ensemble d’une équipe n’avait atteint le sommet, jusque-là réservé à une poignée d’alpinistes triés sur le volet.
Trop bien organisée pour être intéressante ?
À l’époque, l’expédition est saluée pour son organisation irréprochable. La fiabilité de son équipement, l’efficacité du leadership de Franco ou les qualités techniques de ses grimpeurs. Dans l’Alpine Journal, R.R.E. Chorley – éminent membre de l’Alpine Club – écrit à propos du livre de Jean Franco retraçant l’expédition : « Watkins a dit un jour qu’une expédition bien menée ne devait connaître aucun incident. Pourtant, une expédition nationale dans l’Himalaya doit, pour des raisons de prestige et financières, avoir son livre d’expédition, et le grand public exige de l’aventure et des exploits héroïques. Il a donc dû être particulièrement difficile pour M. Franco d’écrire le récit de la réussite de l’expédition française au Makalu. Car cette expédition fut, en réalité, si bien organisée qu’elle ne connut aucune péripétie. »
Et d’ajouter, avec une lucidité prophétique… « C’est une ironie de l’histoire de penser que dans 50 ans, l’expédition du Makalu aura sombré dans un oubli presque total par rapport à l’Annapurna. »
Illustration © Jong Hun Kang, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons