mariage forcé népal

« Personne ne comprend la peur d’être une adolescente ici »

Dans certains territoires du Népal, des traditions anciennes persistent, au détriment des femmes. Le mariage forcé prend ici différentes formes, et la justice semble bien impuissante.

Plus on s’enfonce dans l’ouest du Népal, plus on semble reculer dans le temps. Certains villages sont réputés pour encore pratiquer le Chauppadi, une tradition qui ostracise dangereusement les femmes pendant leurs menstruations et à la naissance de leur enfant. Mais cette coutume n’est pas la seule à subsister dans les régions reculées du Népal. A Putha Uttarganga, on compte encore nombre de Tani Bibaha et Chhotti Basne. Encore des traditions bannies par la loi mais qui se perpétuent. Et devinez qui sont les victimes de ces usages ancestraux ? Les femmes évidemment… Deux pratiques qui ressemblent fort à des avatars du mariage forcé.

80% des jeunes filles concernées par ce phénomène

Le Kathmandu Post a enquêté et estime que plus de 80% des jeunes filles du village sont ou ont été concernées par ces traditions. Tani Bihaha consiste à choisir une fille à épouser et la contraindre à le faire. Le journal népalais raconte un incident de l’été dernier. Quand quatre hommes ont « attrapé » une jeune fille de 17 ans lors d’un festival en la forçant à les suivre. Objectif : le mariage avec l’un de ces quatre hommes qui, déjà marié et père de deux enfants, souhaitait prendre une deuxième femme. La loi népalaise interdit la polygamie. Quand la police a débarqué pour prêter main-forte à la victime, elle n’a pu arrêter les ravisseurs. Les élus locaux faisaient barrage et s’y opposaient au titre du respect de cette tradition séculaire. Subissant des pressions, la jeune fille a renoncé à porter plainte.

Des noms exotiques pour du mariage forcé

Chhotti Basne est une autre tradition sur le thème du mariage. Cette fois-ci, il s’agit d’une mise en scène de la demande en mariage où le prétendant vient se présenter devant la fille et ses parents, chante, danse et à l’issue de cette performance, la fille peut accepter ou refuser le mariage. Une tradition qui n’est pas sans rappeler celle du Bomena au Bhoutan. Mais le temps a passé et aujourd’hui, le consentement de la jeune fille n’est plus vraiment d’actualité. Et on revient au mariage forcé.

La pression sociale et conséquences dramatiques

Les victimes et leurs familles ne portent généralement pas plainte. Dans les rares cas où la justice se voit saisie, les coupables s’en tirent avec une amende de quelques dizaines d’Euros, alors que la loi promet plusieurs années de prison. D’après le Post, 97% des victimes renoncent à porter plainte sous la pression de la communauté. Au-delà des syndromes de stress post-traumatique dont souffrent nombre de jeunes filles dans ces régions, la peur règne. Près de 15% des filles préfèrent abandonner l’école plutôt que de risquer de croiser des hommes malintentionnés. Le manque d’information sur le sujet laisse aussi penser aux filles qu’elles n’ont pas le choix : « Nous pensions que Tani Bibaha et Chhotti Basne étaient des droits inhérents aux hommes » explique ainsi une femme de 53 ans mariée plusieurs décennies auparavant.

Conséquence de ces traditions et de la faible prise en compte du consentement des filles, à Putha Uttarganga, la plupart des filles sont mariées à 15 ou 16 ans. « Les parents de jeunes adolescentes préfèrent marier leur jeune fille plutôt que de la voir soumise aux abus des hommes du village » explique une militante du droit des femmes dans la région. « Personne ne comprend la peur d’être une adolescente ici » ajoute Sangita, une adolescente de 16 ans.

Illustration – paysage rural du Népal © DR

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Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

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