ascenseur valléen Bozel

L’ascenseur valléen a-t-il le pouvoir magique de décarboner les Jeux Olympiques ?

Plusieurs projets de rénovation ou de construction d’ascenseurs valléens accompagnent la candidature des Alpes françaises aux Jeux Olympiques de 2030. Mais ces infrastructures permettent-elles, comme l’évoque Laurent Wauquiez, de supprimer les trajets carbonés ? Un ascenseur valléen reliant Bozel à Courchevel pourrait voir le jour avant l’événement sportif.

En déplacement cette semaine à Brides-les-Bains et à Bozel, Laurent Wauquiez vantait des Jeux Olympiques de 2030 « durables, sobres, respectueux de l’environnement. Le visage de notre montagne de demain ». Son passage dans cette vallée savoyarde n’était pas anodin. Le village de Brides-les-Bains est équipé depuis 1991 d’une télécabine qui relie la vallée à Méribel. Construit pour les Jeux d’Albertville, c’est un des tout premiers ascenseurs valléens du territoire. Ces remontées mécaniques qui relient les vallées aux stations. Une infrastructure qui a permis le développement de Brides et qui pourrait bien permettre celui de Bozel. Car un projet d’ascenseur valléen pourrait désormais s’accélérer entre Bozel et Courchevel. « L’idée c’est qu’on garde les voitures en bas et qu’on supprime tous les trajets carbonés » ajoute le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

L’exemple du funiculaire des Arcs

Il existe à deux pas de Bozel et Brides un exemple d’ascenseur valléen, celui des Arcs. Ce funiculaire mis en service en 1989 présente le gros avantage d’être relié au réseau SNCF, et même à une offre TGV. Les voyageurs arrivent en train et basculent sur le funiculaire pour la fin de leur trajet. Ce qui permet à la station des Arcs de vanter de possibles baisses drastiques des émissions de CO2 sur les trajets Paris – les Arcs. A Bozel, point de voie ferrée.

Le funiculaire des Arcs fonctionne été comme hiver et comptabilise environ 600.000 passages par an. Soit approximativement 300.000 montées. Pour une station qui, avant le covid, dépassait les 2 millions de nuitées sur la seule saison d’hiver, auxquelles s’ajoutent les déplacements quotidiens de centaines de travailleurs et skieurs à la journée qui constituent une part significative des usagers du funiculaire. De l’aveu même d’un responsable de l’exploitation du funiculaire : « Le taux de passage est faible en raison de la concurrence de la route ».

Le problème des ruptures de charge

Lors d’une table ronde sur le sujet en 2017, Michel Giraudy, alors maire de Bourg Saint Maurice partageait son précieux retour d’expérience : « L’erreur principale est de rajouter des ruptures de charge, car c’est le problème le plus important avec ce type d’appareil. Toute la concurrence de la voiture est là. La voiture efface du départ à l’arrivée toutes les ruptures de charges ». Les quelques centaines de mètres pour relier le quai SNCF au quai du funiculaire constituent la rupture de charge évoquée par l’édile local. De quoi questionner les 13 kilomètres entre Bozel et la gare la plus proche (Moutiers).

Un gain de temps

Pourtant, l’ascenseur valléen peut faire gagner du temps… Le funiculaire de Bourg Saint Maurice annonce un trajet en 7 minutes. Par la route, le même trajet prend au moins le double de temps. Le parking du funiculaire se situe sur l’itinéraire de montée. Pas de détour à faire pour emprunter l’infrastructure en question. Avec l’ascenseur valléen Bozel – Courchevel, via St Bon (si cet arrêt est toujours d’actualité dans le projet final) la montée durerait environ 6 minutes. En voiture, il faut compter 15min si la route est en bonnes conditions. Et 4 minutes de moins si on ne réside pas à Bozel et que l’on arrive depuis Moutiers (l’embranchement de la montée via la route se situe 3 km avant Bozel). 11min vs 6min, soit un gain de 10 minutes sur un aller-retour. Suffisant pour changer ses habitudes ?

L’obligation de règlementer

Une des pistes de solutions est évidemment de « prévoir de réglementer la route afin qu’elle ne concurrence pas le câble » évoquait lors de cette même table ronde Laurent Reynaud, Délégué Général de Domaines Skiables de France. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas ni aux Arcs, ni à Brides. En Suisse, les exemples d’ascenseurs valléens qui desservent des stations sans accès possible par la route sont nombreux.

Sans liaison avec le réseau ferré (et/ou sans une offre ferrée suffisante), les ascenseurs valléens ne contribuent qu’à la décarbonation des derniers kilomètres de trajet. Sans aucune contrainte règlementant l’usage de la route, et à la moindre rupture de charge, ils souffrent de la concurrence de la voiture. Ils ont cependant d’autres points forts. Ils offrent un service précieux pour les travailleurs ou saisonniers qui logent dans la vallée. Notamment en sécurisant la montée (en hiver, les routes de montagnes peuvent se révéler dangereuses). Et ils soulagent théoriquement l’itinéraire de la station d’une partie du trafic routier. Aux Arcs, le funiculaire remplace notamment une dizaine de bus.

Toujours plus de constructions ? la « fuite en avant » ?

D’autres conséquences des ascenseurs valléens sont à prendre en compte. Elles seront souhaitées par certains élus et habitants poussant au développement de leur territoire. Montrées du doigts par les plus sensibles au développement durable. Qui dit liaison rapide d’une vallée vers un domaine skiable dit développement économique local. Pourquoi loger à Courchevel quand on peut facilement loger à Bozel pour beaucoup moins cher. L’hébergement touristique se développe généralement au pied des ascenseurs valléens, comme à Orelle ou Bourg Saint Maurice. La question du « toujours plus » reviendra sans doute dans la discussion. Alors que Courchevel approche les 40.000 lits touristiques et que le projet d’ascenseur valléen disait générer 1.500 à 2.000 lits à Bozel, à l’heure de la rédaction du SCoT. Quelques années plus tard et devenant officiellement village olympique pour 2030, le nombre de lits à Bozel sera-t-il davantage tiré vers le haut ?

Alors, 2030 ?

Doit-on craindre qu’un tel projet (déjà prévu avant la candidature aux Jeux) constitue la vitrine durable des olympiades, frôlant le greenwashing ? Les projets d’ascenseurs valléens de la candidature des Alpes françaises aux Jeux de 2030 s’intègreront-ils dans une politique plus large de développement et d’amélioration de l’offre ferroviaire à destination des montagnes ? Seront-ils accompagnés d’un encouragement volontaire au recours à ces moyens de mobilité douce plutôt qu’à la voiture ? Rien ne l’indique à ce stade. Et à l’heure où le transport aérien continue de se développer pour rejoindre les pistes et où la liaison Savoie-Londres en Eurostar a simplement disparu, l’histoire semble prendre un autre chemin.

Illustration © Mairie de Bozel

5/5 - (1 vote)

Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

Voir tous les articles de Arnaud P →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *