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1876 : un médecin déconseille aux femmes la pratique de l’alpinisme !

S’appuyant sur la contribution d’un médecin d’Aix-les-bains, Stéphen d’Arve évoque la question de la pratique féminine de la montagne. Dans Les Fastes du Mont Blanc, publié en 1876 chez H. Georg éditeur, son avis est clair. Les femmes n’ont rien à faire en haute montagne, pour de simple raisons médicales. Si le propos peut faire sourire aujourd’hui, il a certainement pris sa part – historiquement – dans la place qu’occupe encore aujourd’hui la femme dans la pratique de la montagne. Quasi-absentes des promotions de guides de haute montagne, rares dans les expéditions au long cours,… les sports de montagne sont encore loin de démontrer l’égalité homme-femme. Flashback en 1876 pour comprendre d’où on vient…

Le docteur Léon Brachet, alors affecté à l’établissement thermal d’Aix-les-Bains, est un fondateur du Club Alpin de Savoie. L’auteur pose le débat : « Puissent ces utiles conseils et ces sévères avertissements détourner quelques témérités, entraver quelques projets dont le profit moral ne pourra jamais compenser la somme des dangers sérieux auxquels une femme s’expose dans une pareille entreprise ! ». Alors, qu’en dit le médecin ? Accrochez-vous…

« Nous ne pouvons donc que blâmer chez les femmes cet (…) engouement des altitudes »

<< M. Hert, le savant professeur à la Faculté des sciences de Paris, formulait avec conviction : que la terre appartient à l’homme. Ses longues recherches pour obvier au mal de montagne peuvent, il est vrai, être d’un grand secours contre cette affection, mais elles ne nous rassurent point encore assez sur la possibilité, pour les femmes, de tenter sans péril ces grandes ascensions que l’on célèbre chaque année dans nos Alpes.

Autant nous approuvons la marche, autant nous nous félicitons de voir se répandre en France les habitudes anglaises pour l’éducation des jeunes filles, autant nous apprécions médicalement cette contraction musculaire, régulière et générale qui s’effectue dans les courses de montagne, à 1.500 ou 1.700 mètres ; autant nous jugeons qu’il est absurde et dangereux pour les femmes de tenter des altitudes de 2.300 ou 2.500 mètres. C’est, en effet, à ces altitudes que se manifestent, d’une manière fatale, les symptômes du mal de montagne, traduits par des vomissements, des syncopes, des suffocations et enfin des hémorragies à travers les ouvertures naturelles : yeux, oreilles, bouche, nez, utérus, etc.

Toutes les fonctions sont augmentées par la marche, mais la respiration et la circulation sont très exagérées aussi par la diminution du gaz oxygène ; l’échange endosmo-exosmotique des gaz du sang s’effectue difficilement, vu la pression amoindrie qui ne produit plus leur dilatation. Les vaisseaux les plus faibles se déchirent : alors survient le danger, plus ou moins grand, suivant l’organe où se produit la perte sanguine.

J’ai eu dans mes courses, à des altitudes très élevées, l’occasion d’observer deux fois des accidents de métrorragie [NDLR : hémorragie anormale d’origine utérine] qui ont chaque fois mis en danger la vie des femmes affectées. Je me souviens, entre autres, d’une dame qui, arrivée au sommet du Grand-Son, fut prise du mal de montagne et d’une métrorragie  qui ne céda qu’à l’application locale de la glace et seulement après qu’elle fut transportée au bas de la montagne. J’ai connu une dame qui, en tentant l’ascension du Mont-Blanc en 1862, dut être tamponnée par un de mes confrères, qu’un hasard heureux avait fait se trouver là.

Souvent la femme est prise d’épistaxis [NDLR : saignement de nez] ; mais, chez elle, cet accident peut apporter des perturbations déplorables pour les fonctions physiologiques. Ce phénomène de congestion utérine qui se produit dans le mal de montagne ne se traduit pas toujours par une perte de sang, mais il nous a été souvent révélé par des troubles de l’innervation, parfaitement semblables à ceux qu’éprouvent les femmes affectées de métrites ou d’autres phénomènes pathologiques de l’utérus.

Nous ne pouvons donc que blâmer chez les femmes, comme chez les jeunes filles, cette mode d’engouement des altitudes qui ne peuvent qu’être dangereuses, surtout à une époque où la femme maladive, nerveuse, anémiée, par la civilisation moderne, a tant à surveiller son hygiène pour ne pas succomber à la souffrance physique. >>

Dans ces conditions, les femmes qui grimpaient en montagne à cette époque s’opposaient à la sagesse de la science. Il leur fallait plus que du courage pour affronter ce monde exclusivement masculin. L’Allemande Eleonore Hasenclever, la Britannique Isabella Stratton ou l’Américaine Meta Brevoort (photo d’illustration) étaient de celles-là .

Le mal des montagnes aigu ou chronique touche les hommes comme les femmes. La métrorragie ne fait pas partie des symptômes répertoriés en 2020 pour le mal des montagnes.

Illustration Meta Brevoort entourée des guides Almer et de son neveu William Coolidge © DR

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Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

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