Siula Grande Joe Simpson

Eté 1985 : il coupe la corde qui le relie à son ami pour sauver sa peau !

Durant l’été 1985, Joe Simpson va se retrouver dans une situation très délicate sur le Siula Grande, une montagne du Pérou. Entrainant vers la mort son compagnon de cordée, ce dernier n’aura qu’un seul moyen de s’en sortir : couper la corde qui les relie. Mais ce n’est que le début de l’histoire…

A 22 et 25 ans, Simon Yates et Joe Simpson quittent Lima au début du mois de juin 1985. Ils ont un objectif précis en tête. Le Siula Grande et ses 6.344 mètres dans la cordillère Huayhuash, un massif des Andes péruviennes. Cette montagne a déjà été gravie mais pas sa face ouest. Plusieurs cordées s’y sont essayées mais aucune n’a réussi. Après six heures de route depuis la capitale du Pérou, il leur faut 2 jours de marche pour s’approcher de la montagne. Un ami resté au camp de base pour surveiller leurs affaires, ils partent vers la paroi. La première journée dans la face est très réjouissante. La cordée britannique progresse bien et la première nuit passée dans une grotte de glace est presque confortable.

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Le mauvais temps s’en mêle

Le lendemain, leurs affaires se compliquent. Au-delà de 6.000 mètres, le mauvais temps s’installe sur le Siula Grande. En quelques minutes, le vent et la neige s’invitent dans l’ascension. La température chute, la visibilité est réduite à néant. Les coulées de neige fraîche se succèdent. Les grimpeurs, gelés, mettent près de cinq heures pour gravir 60 mètres. Mais ils parviennent à sortir des nuages et atteindre le sommet de cette immense face. Rapidement, ils s’engagent dans la descente. Le mauvais temps revient à nouveau. L’itinéraire choisi pour le retour est très exposé, la météo le rend suicidaire. Quelques dizaines de mètres plus tard, dans la pénombre de leur bivouac, leur réchaud rend l’âme. Ils n’auront plus d’eau.

Chute, blessure et danger de mort sur le Siula Grande

Le lendemain, Simpson est en tête. Un piolet qui ripe dans un passage délicat et c’est la chute. Quelques dizaines de mètres de glissade, la corde qui le retient et une jambe qui subit un choc violent. Mauvaise nouvelle, Simpson a un tibia salement cassé. A cette altitude, il le sait : tout secours est impossible, il peut se considérer comme mort. Son compagnon de cordée risque fort d’être condamné lui aussi. S’il tente de le secourir, il risque de s’épuiser et de se blesser à son tour. S’il part seul, il risque de ne pas s’en sortir. Mais plutôt que d’abandonner Joe, Simon attache leurs deux cordes et commence à treuiller le blessé vers le bas. La tempête ne se calme pas et la douleur de Joe non plus.

Le dilemme : couper la corde ou non ?

Une rupture de pente entraine Joe dans le vide. Suspendu à plusieurs dizaines de mètres du sol, il surplombe les lèvres béantes d’une crevasse. C’est à ce moment là que Simon arrive au bout de la corde. Il ne peut plus descendre le blessé, bloqué dans le vide, la corde reste tendue : il ne peut plus rien faire. Petit à petit, le poids entraine Simon dans la pente. A tout moment, il risque de basculer et de faire une chute mortelle, entrainé par la corde. De longues minutes d’attente passent dans le froid et la nuit tombante avant que Simon ne prenne la seule décision possible. Après deux heures à résister, il attrape un canif dans une poche de son sac à dos et coupe la corde. Il en est convaincu, il vient de précipiter son ami dans une mort certaine. Joe Simpson chute effectivement dans la crevasse. Il se retrouve des dizaines de mètres plus bas, inconscient, mais son cœur n’a pas cessé de battre. A défaut de pouvoir ressortir, il est abrité du vent glacial.

La bonne décision ?

Simon creuse un petit abri dans la neige pour y passer la nuit. Il essaie péniblement de se réchauffer mais c’est peine perdu. Il n’a plus rien à boire et la déshydratation fait son chemin. Au même moment, Joe se réveille. Persuadé que Simon est toujours à l’autre bout de la corde, probablement mort, il tire dessus. Il espère que le corps de Simon finira par se bloquer et qu’il lui permettra de remonter. Lorsqu’il atteint le bout de la corde, il comprend malheureusement que c’en est bien fini.

En descendant, seul, Yates passe auprès de la crevasse et comprend où son copain est tombé. Mal en point, il ne pense même pas à jeter un coup d’œil dans le trou pour voir si Simpson n’est pas toujours en vie. De toute façon, il ne peut pas le croire. Il parvient finalement au camp, exténué.

Le combat contre soi-même

Puisant au fond de lui-même, Joe parvient à trouver un peu d’énergie pour hisser son corps vers la sortie de la crevasse, à la faveur d’une autre issue découverte en descendant un peu. Fort heureusement, il était tombé avec ses piolets. Sans, il n’aurait rien pu faire. Il met des heures à réaliser ce qu’il croyait impossible : refaire surface sur le glacier. Au moment où il s’assoit à l’air libre, il reprend espoir mais est toujours bien incapable de se relever. Alors il rampe. Des heures durant, parcourant quelques mètres en suivant la trace laissée par Simon, puis s’effondrant de fatigue. Une nouvelle nuit passe et il continue son laborieux chemin de croix sur le glacier.

Le temps change et la trace de Simon disparait. A tout moment, Joe peut sombrer dans une nouvelle crevasse. Par chance, il n’en est rien mais une nouvelle journée a passé. Arrivé au pied du glacier, les pentes glissantes cèdent la place à un dédale de rochers. Impossible de ramper. Il doit essayer de se relever. Il sautille en prenant appui sur son piolet. Mais tous les trois pas, il chute et à chaque fois la douleur dans sa jambe est plus grande. Une nouvelle nuit passe. Il alterne entre désespoir et perte complète de lucidité. Il s’effondre définitivement à quelques centaines de mètres du camp de base. Persuadé que les deux autres sont partis depuis belle lurette.

Siula Grande : Simon entend une voix !

Dans la nuit, il crie désespérément le nom de Simon. Et c’est un dénouement in extremis. Les deux allaient repartir le lendemain. Réveillé en pleine nuit, Simon entend une voix et sort de sa tente. A la lueur de sa lampe frontale, il remonte le lit de la rivière et découvre un corps immobile. Tellement amoché qu’il peine à croire que c’est bien Joe. Enfin sauvé.

Quatre jours durant, Joe Simpson aura défié les limites extrêmes de la survie humaine sur les pentes du Siula Grande. Sans eau ni nourriture, il aura perdu près du tiers de son poids. Deux ans de convalescence et plusieurs opérations seront nécessaires pour que Simpson rechausse les crampons. Quelques années plus tard, il se retrouvera à nouveau dans une sale posture, une cheville cassée en pleine paroi. A leur retour au pays, Simon Yates sera montré du doigt pour avoir coupé cette fameuse corde. Pourtant, son compagnon de cordée a toujours affirmé que c’était le bon choix. Il aurait fait la même chose si les rôles avaient été inversés.

Illustration Siula Grande © Chloe CC BY-SA 3.0

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Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

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2 réflexions sur « Eté 1985 : il coupe la corde qui le relie à son ami pour sauver sa peau ! »

  1. … Et pourquoi pas donner le titre du livre qu’a écrit Joe Simpson de son exploit « Touching the Void » traduit en français « La Mort suspendue » dans lequel il raconte tout ce qui s’est passé pendant ces jours où il a réalisé son propre sauvetage d’une mort quasi certaine sans une volonté de vivre qui dépasse l’entendement. Un magnifique exemple aussi d’abnégation et aussi pour nuancer le titre qui est, malgré la vérité, un peu péjoratif.

  2. Terrible choix du titre de l’article, il ne s’agit pas de passion pour la montagne mais de commerce pour l’éditeur. La coupe n’était qu’un mauvais événement parmi tant d’autres, d’une histoire incroyable

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